- décrasser
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• 1476; de dé- et crasse1 ♦ Débarrasser (qqch., qqn) de la crasse. ⇒ désencrasser, laver, nettoyer. Décrasser un peigne, du linge. Décrasser des bougies de voiture. Se décrasser les ongles.♢ Fig. « je me plonge avec délices dans l'antiquité. Cela me décrasse des temps modernes » (Flaubert).2 ♦ Débarrasser (qqn) de son ignorance, de sa grossièreté. ⇒ décrotter, dégrossir. Pronom. « Nous étions de grands ignorants [...] , quand ces Arabes se décrassaient » (Voltaire).⊗ CONTR. Encrasser; salir.Synonymes :- débarbouiller- laver- nettoyerTirer quelqu'un, son esprit de l'ignorance ; l'instruire, le dégrossir.Synonymes :- décrotter (familier)- dégourdir- dégrossir- formerdécrasserv. tr.d1./d Enlever la crasse de.d2./d Fig., Fam. Décrasser qqn, lui inculquer les rudiments d'un savoir; le former aux habitudes de la société.|| v. Pron. Il commence à se décrasser.⇒DÉCRASSER, verbe trans.A.— Débarrasser de la crasse.1. [Le compl. d'obj. désigne une pers. ou ce qui concerne une pers.] Laver (quelqu'un ou quelque chose) en éliminant la couche de crasse qui le recouvre. Il tira un savon de son panier, il se décrassa les mains et la face, noires du voyage (ZOLA, Bête hum., 1890, p. 132).SYNT. Se décrasser les cheveux, les ongles, la peau; décrasser le visage d'un enfant; décrasser un peigne.♦ Décrasser du linge. ,,En ôter, avec une première eau, ce qu'il y a de plus sale`` (Ac. 1798-1932).— P. métaph. [Le compl. d'obj. désigne une pers.] :• 1. Vous m'avez lavé, vous m'avez décrassé, vous m'avez épouillé sous prétexte de me rendre présentable.COCTEAU, Bacchus, 1952, II, 8, p. 149.— Absol. Cette pâte décrasse parfaitement (Ac. 1835, 1878). Ce savon décrasse très bien (Lar. 19e).— Emploi pronom réfl. Se laver quand on est très sale. Il (...) revenait (...), gluant, plein de poux, éreinté, hébété. Il passait la nuit à se laver, se décrasser, s'épucer (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 330).♦ Se décrasser de qqc. J'irai me décrasser de ce noir de fumée qui me couvre (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 3, 1859, p. 447).2. [Le compl. désigne un objet quelconque] Nettoyer (quelque chose) en éliminant la couche de saleté qui le recouvre. Les chapiteaux ont été décrassés avec beaucoup de soin, ils sont magnifiques. Il y avait seize couches de badigeon (MÉRIMÉE, Lettres Antiq. Ouest, 1870, p. 114). On lave, (...) on décrasse, (...) on décrotte, (...) on écume, (...) on boucane l'habitation (BLOY, Journal, 1903, p. 188).SYNT. Décrasser un fourneau, un fusil, un métal, un moteur, un tableau.— Spéc., MÉTALL.♦ Agiter (un métal ou du verre en fusion) afin de séparer de sa masse les impuretés.♦ Enlever les scories de la grille d'un foyer ou des tubes à fumée d'une chaudière pour améliorer la combustion.— Région. Éclaircir. Cette ondée va décrasser le temps (Canada 1930). Emploi pronom. à sens passif. Se mettre au beau. Le temps commence à se décrasser (DIONNE 1909).B.— Au fig., fam. [Avec une nuance péj. quant à l'objet désigné; le compl. désigne une pers. ou ce qui la concerne]1. [La crasse symbolise une condition sociale inférieure, en partic. la roture] Quiconque a gagné de l'argent est affranchi, décrassé, châtelain à tourelles et à écusson si bon lui semble (SAND, Impress. et souv., 1873, p. 25).♦ Décrasser ses écus. Joindre à une fortune acquise dans la roture des titres de noblesse. Raoul épousera la fille de quelque opulent vilain, trop heureux d'anoblir son sang et de décrasser ses écus (SANDEAU, Mlle de la Seiglière, 1848, p. 237).— Emploi pronom. réfl., HIST. Faire passer de la roture à la noblesse. Monsieur Alberti qui ne se décrasse que sous Louis XIII! Qu'est-ce que ça peut nous fiche que des faveurs de cour leur aient permis d'entasser des duchés auxquels ils n'avaient aucun droit? (PROUST, Prisonn., 1922, p. 233).♦ P. ext. :• 2. Un bourgeois-gentilhomme, un M. Levrault, qui a gagné trois millions à vendre du drap (...). Je le connais de longue date, j'ai vu poindre son ambition. Il veut se décrasser et trouver un gendre qui lui serve tout à la fois de passeport et de marchepied.SANDEAU, Sacs et parchemins, 1851, p. 4.— [Par personnification de l'objet] Décrasser qqc. de qqc. (d'indésirable). Le mot de « Juif » désignait autrefois un certain type d'homme; peut-être l'antisémitisme français lui avait-il communiqué un léger sens péjoratif, mais il était facile de l'en décrasser (SARTRE, Sit. II, 1948, p. 303).2. [La crasse symbolisant l'ignorance] Synon. dégrossir.a) [Le compl. désigne une pers.] Décrasser un élève. On le mit quelque temps au collège pour le décrasser un peu (Ac. 1835, 1878).— Emploi pronom. réfl. Les conseils de lecture que vous me donnez sont excellents. (...) d'ici à trois ans je me décrasserai un peu (LISZT, Corresp. Ctesse d'Agoult, 1re part., 1834, p. 73).b) [Le compl. désigne un attribut d'une pers.] Décrasser son esprit, son imagination. L'exercer, l'enrichir.— Emploi pronom. réfl. Aussi compte-t-il piocher sérieusement la théorie, se décrasser l'oreille en assistant deux fois la semaine aux concerts de Boulogne (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1359) :• 3. Il y a du cuistre dans la manière dont Cousin parle des femmes; il s'est décrassé tard. Le style de Cousin est plein de mauvais gestes.SAINTE-BEUVE, Mes poisons, 1869, p. 59.3. [La crasse symbolisant des manières grossières ou peu policées] Synon. dégrossir, polir. Il faut décrasser ce jeune homme. Il a grand besoin d'être décrassé (Ac. 1835). Des paysans mal décrassés (TAINE, Notes Angl., 1872, p. 214).— Emploi pronom. réfl. C'est un rustre; il a grand besoin de se décrasser (Ac. 1932). Oh! il se faisait aux belles manières, comme elle le disait; il se décrassait joliment à Paris (ZOLA, Page amour, 1878, p. 954).♦ Se décrasser de qqc. (cf. supra A 1). Se décrasser de sa province, de son provincialisme, de sa rusticité. Les modernes pendant long-temps n'ont pas été plus avancés, même après s'être décrassés de la barbarie du Moyen-Âge (SAY, Écon. pol., 1832, p. 19).Rem. 1. Décrasser prend de nombreuses valeurs fig. dans l'arg. ou la lang. fam., au XIXe s. a) Voler, ruiner (qqn) (d'apr. DELVAU 1883). b) Battre (qqn) (d'apr. BRUANT, Dict. fr.-arg., 1905, pp. 47-48). 2. On rencontre ds la docum. a) Décrasseur, subst. masc., fig. Cet Alcide Lerat (...) est une sorte de Benoît Labre littéraire, sans sainteté, dont le panégyrique posthume serait une besogne à faire trembler les décrasseurs d'auréoles les plus audacieux (BLOY, Désesp., 1886, p. 210). b) Décrassoir, subst. masc. Peigne à dents fines et rapprochées. Décrassoir en ivoire (E. DE GONCOURT, Faustin, 1882, p. 8). 3. La docum. atteste la forme désencrasser (signalé par ROB. et Lar. Lang. fr.). Désencrasser un carburateur (Lar. Lang. fr.). Au fig. Oui, mon cerveau, comme désencrassé par ce jeûne, fonctionne avec une alacrité singulière (GIDE, Journal, 1929, p. 951).Prononc. et Orth. :[
], (je) décrasse [
]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1476 « enlever la crasse » (cité d'apr. HOVDOY, Halle échevinale de Lille, 59 ds R. Hist. litt. Fr., t. 9, p. 47); 2. 1680 fig. « débarrasser quelqu'un de sa grossièreté » (RICH.); 1690 « tirer quelqu'un de sa basse condition » (DANCOURT, Eté des coquettes, sc. 3 ds LITTRÉ). Dér. de crasse; préf. dé-; dés. -er. Fréq. abs. littér. :52 (décrassé : 27).
décrasser [dekʀase] v. tr.ÉTYM. 1476; de 1. dé-, et crasse.❖1 Débarrasser de la crasse, de sa crasse. ⇒ Laver, nettoyer. || Décrasser la tête, les mains d'un enfant. || Se décrasser la peau. — Décrasser du linge, en ôter la crasse dans une première eau. || Décrasser une bougie de voiture. — Figuré :1 (…) notre âge est si lamentable, que je me plonge avec délices dans l'antiquité. Cela me décrasse des temps modernes.Flaubert, Correspondance, III, p. 169.2 (1680). Fig. et fam. Débarrasser (qqn) de son ignorance, de sa grossièreté en lui donnant une certaine instruction. ⇒ Dégrossir, polir. || On le mit à l'école pour le décrasser. || Il commence à se décrasser un peu.♦ (1690). Vieilli. Tirer qqn de sa basse condition, de son abjection.2 Mais lisons-les, continuai-je en les tirant de ma poche; voyons un peu de quelle façon on y décrasse le vilain.A. R. Lesage, Gil Blas, XII, VI.♦ Pron. Se défaire de manières considérées comme mauvaises ou grossières.3 (…) fais un effort pour sortir de toi-même ou au moins acquérir le vernis qui fasse oublier le milieu d'où je t'ai tiré… tu n'imagines pas à quel point tu as besoin de te décrasser.M. Aymé, Travelingue, p. 139.4 (…) c'était un Marseillais sans accent, un de ces provinciaux dont la famille bourgeoise à force de s'appliquer à se corriger, à se décrasser du parler local considéré comme vulgaire, parvient à cette sorte de ton dévitalisé, décoloré, « qui ne se fait pas remarquer », recommandé par les bons usages.Raymond Abellio, Ma dernière mémoire, t. II, p. 21.❖CONTR. Encrasser, salir.DÉR. Décrassage ou décrassement, décrassoir.
Encyclopédie Universelle. 2012.